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fr:reflexion:formule-savoir [2018/11/28 15:24]
apeiron [Technocratie contre démocratie]
fr:reflexion:formule-savoir [2019/04/07 13:37]
apeiron [Sur le fond]
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 ====== Introduction ====== ====== Introduction ======
  
-Comme je regarde régulièrement le travail de Lê (et de Monsieur Phi, et de la plupart des gens cités dans le livre), je n'ai pas forcément autant appris qu'un lecteur découvrant le sujet. Grâce à ce livre j'ai toutefois beaucoup appris sur le formalisme de la formule de Bayes, et j'ai enfin une idée de ce qu'est le bayésianisme et de comment cette approche est utilisée actuellement dans la recherche en intelligence artificielle.+Comme je regarde régulièrement le travail de Lê (et de Monsieur Phi, et de la plupart des gens cités dans le livre), je n'ai pas forcément autant appris qu'un lecteur découvrant le sujet. Grâce à ce livre j'ai toutefois beaucoup appris sur le formalisme de la formule de Bayes, et j'ai enfin une idée de ce qu'est le bayésianisme et de comment cette approche est utilisée actuellement dans la recherche en intelligence artificielle ​(merci, Lê :-)).
  
 A vrai dire, davantage que la lecture proprement dite de « La formule du savoir », c'est la réflexion sur les thèmes abordés dans le livre que j'ai le plus appréciée. Mathématique,​ informatique,​ épistémologie,​ physique quantique, éthique, politique... J'ai dévoré ce livre, fait de nombreuses recherches sur internet, et beaucoup échangé à chaud avec un ami((Qui se reconnaîtra,​ et que je remercie chaleureusement pour avoir supporté autant de réflexions en si peu de temps.)). A vrai dire, davantage que la lecture proprement dite de « La formule du savoir », c'est la réflexion sur les thèmes abordés dans le livre que j'ai le plus appréciée. Mathématique,​ informatique,​ épistémologie,​ physique quantique, éthique, politique... J'ai dévoré ce livre, fait de nombreuses recherches sur internet, et beaucoup échangé à chaud avec un ami((Qui se reconnaîtra,​ et que je remercie chaleureusement pour avoir supporté autant de réflexions en si peu de temps.)).
  
-Mais ce n'​était pas une lecture facile pour moi, car même si je partage de nombreux forts points d'​accord avec Lê (interprétation physique de la thèse de Church, constructivisme en mathématique,​ importance de la morale des IAs, le conséquentialisme,​ la mort comme maladie, etc.), j'ai également de non moins forts points de désaccords (méthode et rôle de la science, le réalisme, l'​utilitarisme,​ etc.). ​J'​espère ne pas commettre ici un [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​%C3%89pouvantail_%28rh%C3%A9torique%29|sophisme de l'​homme de paille]], mais voici un échantillon de certaines des positions (pour le moins ambitieuses) du livre (telles que je les ai comprises((Les points ​d'exclamation représentent ​[[fr:​reflexion:formule-savoir#​sur_la_forme|l'​enthousiasme de Lê]].))) ​:+Mais ce n'​était pas une lecture facile pour moi, car même si je partage de nombreux forts points d'​accord avec Lê (interprétation physique de la thèse de Church, constructivisme en mathématique,​ importance de la morale des IAs, le conséquentialisme((Du moins quand j'ai écrit cette critique, maintenant je nuance ma position par une éthique de la vertu, voir la sous-section sur [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​l_utilitarisme_moral|l'​utilitarisme moral]].)), la mort comme maladie, etc.), j'ai également de non moins forts points de désaccords((J'​espère ne pas commettre ici un [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​%C3%89pouvantail_%28rh%C3%A9torique%29|sophisme de l'​homme de paille]], mais voici un échantillon de certaines des positions (pour le moins ambitieuses) du livre (telles que je les ai comprises) : //Il n'y a pas de réalité, uniquement des mesures. Il n'y a pas de vérité, uniquement des prédictions. Il n'y a pas de causalité, uniquement des corrélations. Il n'y a pas d'objectivité,​ uniquement des interprétations personnelles. Le bayésianisme n'est pas seulement une approche utile à l'​apprentissage automatique,​ c'est la philosophie unifiée du savoir. Nous ne devrions pas être gouvernés par les gens, mais par une super-intelligence artificielle,​ ou au moins la communauté des experts.// Je trouve d'​ailleurs intéressant que [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCqA8H22FwgBVcF3GJpp0MQw|Monsieur Phi]] reconnaisse Lê dans ces phrases, mais que Lê ne s'y reconnaisse pas.)) (méthode et rôle de la science, le réalisme, l'​utilitarisme,​ etc.).
  
-<< Il n'y a pas de réalitéuniquement des mesures ! Il n'y a pas de véritéuniquement des prédictions ! Il n'y a pas de causalitéuniquement des corrélations ! Il n'y a pas d'objectivité,​ uniquement des interprétations personnelles ! Le bayésianisme n'est pas seulement ​une approche utile à l'​apprentissage automatiquec'est la philosophie unifiée du savoir ! Nous ne devrions ​pas être gouvernés par les gens, mais par une super-intelligence artificielle,​ ou au moins la communauté des experts ! Et ceux qui ne sont pas d'​accord avec ça sont des hooligans ! >> (Attention : ce n'est pas une citation.)+J'avoue que j'​écris en partie cette critique pour mettre ​de l'​ordre dans mes idéesmais pas seulement. Lê ne se contente ​pas de décrire le réelmais il prend également position et fais un certain récit ​de la science et la société. Et **je trouve certaines de ses prises de position dangereuses**, d'autant plus qu'il a maintenant ​une large audience. Aussije ne me contente ​pas seulement de critiquer son livre, mais je tente également de produire un contre-discours.
  
-J'avoue que j'​écris ​en partie ​cette critique ​pour mettre ​de l'ordre dans mes idéesmais pas seulement. ​Lê ne se contente ​pas de décrire le réelmais il prend également position ​et fais un certain récit ​de la science ​et la société. Et je trouve certaines ​de ses prises de position dangereuses, d'autant plus qu'il maintenant une large audienceAussi, je ne me contente pas seulement ​de critiquer son livre, mais je tente également de produire un contre-discours. Je tiens toutefois à expliciter dès maintenant ​que j'attaque ​les idées ​et non la personne, ​et que j'ai beaucoup ​de respect ​pour Lê et son travail ​(colossal).+Tout influenceur,​ qu'il en ait conscience ou non, défend et propage des positions. Une de mes motivations pour écrire ​cette critique ​a été de voir comment les propos de Lê étaient repris par d'autresnotamment sur Discord((Si même quand je prends plusieurs mois pour écrire mon texte Lê trouve que je caricature, imaginez ce que cela donne pour ceux qui ne prennent ​pas ce temps...)). J'ai beaucoup ​de respect pour Lê et son travail (colossal)et je suis convaincu qu'il a une pensée plus fine et nuancée que ce qui ressort ​de ses positions publiques (et/ou de son personnage)mais **dans cette critique j'​attaque**((J'​ai écrit ce que je pensais être une critique argumentée,​ Lê l'a qualifiée ​d'//ad hominem//. Et vous, qu'en pensez-vous ? Lê m'aussi reproché la violence de mes proposJ'ai essayé ​de peser mes mots, mais je ne serais pas contre ​un regard extérieur. Je pense d'​ailleurs qu'il serait étonné d'​apprendre ​que moi-même ​j'ai trouvé ses propos violents, certes pas dans leur forme, mais dans leur fond et leurs conséquences.)) **les idées, pas la personne**((Lê m'a invitéplutôt qu'à le critiquer lui, à critiquer la pure bayésienne du livre. Mais justement, elle aurait des connaissances mais ne défendrait pas un but pour la société au détriment d'un autre. C'est bien parce que je pense que certaines ​de ses positions ne dérivent pas du bayésianisme proprement dit que je dis Lê et pas la bayésienne.)). Ainsi, par la suite, quand je parlerais de Lê (pour faire court) il faudra lire << les positions tenues publiquement par , telles que je les ai comprises >>((A vrai dire, après avoir brièvement discuté avec Lê, je pense qu'il y a une trop grosse différence entre son identité ​et son image publique ​(telle que je l'ai perçue, encore une fois je peux me tromper). Dans ce cas, je ne peux que l'​inviter à réfléchir sur comment il communique.)).
  
-Je réponds ​d'​ailleurs ​non seulement à « La formule du savoir » mais aussi à l'​ensemble ​de l’œuvre ​de Lê, puisque ce livre en est une version résumée ​à un instant t. Ainsi, j'utiliserais ​non seulement le livre mais aussi certains de ses épisodes ainsi que l'​excellent podcast [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCNHFiyWgsnaSOsMtSoV_Q1A|Axiome]] qu'il produit avec [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCqA8H22FwgBVcF3GJpp0MQw|Monsieur Phi]].+Enfin, comme je critique certaines positions publiques de Lê, je précise également que **je réponds non seulement à « La formule du savoir » mais aussi au reste de son œuvre** (jusqu'​à octobre 2018). Ainsi, ​par la suite j'utiliserai ​non seulement le livre mais aussi certains de ses épisodes ainsi que l'​excellent podcast [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCNHFiyWgsnaSOsMtSoV_Q1A|Axiome]] qu'il produit avec [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCqA8H22FwgBVcF3GJpp0MQw|Monsieur Phi]].
  
-J'ai mis beaucoup (trop) de temps à écrire cette (longue) critique, allant jusqu'​à mettre certaines sous-sections en [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​bonus|bonus ]]pour faciliter la lecture. Je ne fais toutefois qu'​esquisser certains sujets sans les développer suffisamment,​ donc ma critique est forcément incomplète. De plus il est tout à fait possible que j'ai fait des erreurs, donc Lê (ou les autres), n'​hésite(z) pas à me corriger, par exemple sur le Discord du Café des sciences. Cette page étant un blog, contrairement à un livre, elle aura la possibilité d'​évoluer selon les critiques qui me seront faites à mon tour, ou l'​avancée de ma propre pensée. ​+J'ai mis beaucoup (trop) de temps à écrire cette (longue) critique, allant jusqu'​à mettre certaines sous-sections en [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​bonus|bonus ]]pour faciliter la lecture. Je ne fais toutefois qu'​esquisser certains sujets sans les développer suffisamment,​ donc ma critique est forcément incomplète. De plus il est tout à fait possible que j'ai fait des erreurs, donc Lê (ou les autres), ​**n'​hésite(z) pas à me corriger**, par exemple sur le Discord du Café des sciences. Cette page étant un blog, contrairement à un livre, elle aura la possibilité d'​évoluer selon les critiques qui me seront faites à mon tour, ou l'​avancée de ma propre pensée. 
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 +Ces précautions étant prises, je vous souhaite une bonne lecture :-)
  
 ====== La méthode scientifique ====== ====== La méthode scientifique ======
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 Même en admettant qu'il soit possible dans l'​instant d'​évaluer les conséquences d'une action sur l'​état du monde, chacun le fait selon ses connaissances à cet instant((Si le conséquentialisme n'est pas à propos de la connaissance des conséquences mais des conséquences elles-mêmes,​ il s'agit d'une métaphysique,​ puisque le fait d'​être moral ou non ne dépend pas de la situation dans laquelle nous sommes, mais de quelque chose qui n'est pas (encore) réel pour nous : le futur.)). Mais je peux me tromper. Par exemple, si après avoir fait une action (que j'​estimais bonne) j'​apprends de nouvelles choses qui me font penser maintenant qu'​elle était mauvaise, cela signifie uniquement que le moi du présent n'​aurait pas fait le même choix, pas que le moi du passé a été immoral (il a bien été moral, selon ses connaissances du moment). Faire dépendre la moralité des conséquences soulève aussi le problème de réussir pour de mauvaises raisons((Ce qui paradoxalement en ferait presque pour moi une action mauvaise même si le résultat est bon, serait-ce une éthique de la vertu ?)), ou échouer malgré avoir fait de son mieux (ce qui n'en est pas moins une bonne action). Ainsi, je nuancerais le conséquentialisme par une prise en compte des connaissances et moyens disponibles... un //​conséquentialisme pragmatique//,​ donc. ;-) Même en admettant qu'il soit possible dans l'​instant d'​évaluer les conséquences d'une action sur l'​état du monde, chacun le fait selon ses connaissances à cet instant((Si le conséquentialisme n'est pas à propos de la connaissance des conséquences mais des conséquences elles-mêmes,​ il s'agit d'une métaphysique,​ puisque le fait d'​être moral ou non ne dépend pas de la situation dans laquelle nous sommes, mais de quelque chose qui n'est pas (encore) réel pour nous : le futur.)). Mais je peux me tromper. Par exemple, si après avoir fait une action (que j'​estimais bonne) j'​apprends de nouvelles choses qui me font penser maintenant qu'​elle était mauvaise, cela signifie uniquement que le moi du présent n'​aurait pas fait le même choix, pas que le moi du passé a été immoral (il a bien été moral, selon ses connaissances du moment). Faire dépendre la moralité des conséquences soulève aussi le problème de réussir pour de mauvaises raisons((Ce qui paradoxalement en ferait presque pour moi une action mauvaise même si le résultat est bon, serait-ce une éthique de la vertu ?)), ou échouer malgré avoir fait de son mieux (ce qui n'en est pas moins une bonne action). Ainsi, je nuancerais le conséquentialisme par une prise en compte des connaissances et moyens disponibles... un //​conséquentialisme pragmatique//,​ donc. ;-)
  
-Mais bon, pour la suite considérons que je suis bien conséquentialiste,​ comme Lê. Le nœud du problème, c'est que nous sommes en désaccord sur la fonction produisant ce score. Lê est un [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=pOl8nn8KChM|utilitariste (classique)]],​ c'est à dire qu'il évalue les conséquences morales d'une action selon le bonheur des gens. Mais comment obtenir un score global à partir de plusieurs valeurs individuelles ?+Mais bon, pour la suite considérons que je suis bien conséquentialiste,​ comme Lê. Le nœud du problème, c'est que nous sommes en désaccord sur la fonction produisant ce score. Lê est un [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=pOl8nn8KChM|utilitariste (classique)]]((Lê m'a dit qu'il n'​était pas utilitariste,​ ce qui m'a surpris. Mais, comme précisé dans l'​introduction,​ ici je parle des positions publiques et du personnage de Lê, qui à mon avis sont utilitaristes,​ donc cela ne change guère mes propos ici.)), c'est à dire qu'il évalue les conséquences morales d'une action selon le bonheur des gens. Mais comment obtenir un score global à partir de plusieurs valeurs individuelles ?
  
 S'il faut maximiser la somme des bonheurs individuels,​ comme [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​Utilit%C3%A9_(%C3%A9conomie)#​D%C3%A9croissance_de_l'​utilit%C3%A9_marginale|le rendement est décroissant]],​ il faudrait juste augmenter un maximum le nombre d'​individus quitte à ce qu'ils vivent dans des conditions dégradées,​ comme dans le (non-)roman [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​Tous_%C3%A0_Zanzibar|Tous à Zanzibar]]. C'est la fameuse << conclusion répugnante >>. Ce problème est réduit si on prend la moyenne et non la somme, afin de tenir compte de la qualité de vie. Mais dans ce cas il resterait acceptable de sacrifier une minorité pour le bonheur du plus grand nombre. Or, même une situation comme celle de la nouvelle [[https://​en.wikipedia.org/​wiki/​The_Ones_Who_Walk_Away_from_Omelas|Ceux qui partent d'​Omelas]] de Ursula K. Le Guin (où le sacrifice d'un enfant permet une société utopique) me semble inacceptable. Pour moi, il faut plutôt maximiser le score de celui qui a le moins((Notez que cela n'​implique pas nécessairement l'​égalitarisme,​ si celui qui a le moins voit sa position augmenter suite à l'​introduction d'une inégalité,​ par exemple comme dans la [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​John_Rawls#​Deux_principes_de_la_justice|théorie de la justice]] de John Rawls.)), ce qui a le bon goût de garantir que tout le monde a intérêt à vivre dans cette société. S'il faut maximiser la somme des bonheurs individuels,​ comme [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​Utilit%C3%A9_(%C3%A9conomie)#​D%C3%A9croissance_de_l'​utilit%C3%A9_marginale|le rendement est décroissant]],​ il faudrait juste augmenter un maximum le nombre d'​individus quitte à ce qu'ils vivent dans des conditions dégradées,​ comme dans le (non-)roman [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​Tous_%C3%A0_Zanzibar|Tous à Zanzibar]]. C'est la fameuse << conclusion répugnante >>. Ce problème est réduit si on prend la moyenne et non la somme, afin de tenir compte de la qualité de vie. Mais dans ce cas il resterait acceptable de sacrifier une minorité pour le bonheur du plus grand nombre. Or, même une situation comme celle de la nouvelle [[https://​en.wikipedia.org/​wiki/​The_Ones_Who_Walk_Away_from_Omelas|Ceux qui partent d'​Omelas]] de Ursula K. Le Guin (où le sacrifice d'un enfant permet une société utopique) me semble inacceptable. Pour moi, il faut plutôt maximiser le score de celui qui a le moins((Notez que cela n'​implique pas nécessairement l'​égalitarisme,​ si celui qui a le moins voit sa position augmenter suite à l'​introduction d'une inégalité,​ par exemple comme dans la [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​John_Rawls#​Deux_principes_de_la_justice|théorie de la justice]] de John Rawls.)), ce qui a le bon goût de garantir que tout le monde a intérêt à vivre dans cette société.
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 Dans les sections précédentes j'ai déjà critiqué pas mal de points soulevés par Lê. Je rappelle/​complète ici les critiques les plus importantes que j'ai à faire sur le fond et la forme, et j'en profite pour expliciter certaines questions que j'​aurais voulu voir détaillées dans le livre. Dans les sections précédentes j'ai déjà critiqué pas mal de points soulevés par Lê. Je rappelle/​complète ici les critiques les plus importantes que j'ai à faire sur le fond et la forme, et j'en profite pour expliciter certaines questions que j'​aurais voulu voir détaillées dans le livre.
  
-Je rappelle encore que j'​attaque les idées et non la personne, et qu'il ne serait pas surprenant que j'ai commis des erreurs d'​interprétation,​ aussi n'​hésitez pas à critiquer la critique ! ;-)+Je rappelle encore que **j'​attaque les idées et non la personne**, et qu'il ne serait pas surprenant que j'ai commis des erreurs d'​interprétation,​ aussi **n'​hésitez pas à critiquer la critique !** ;-) 
 + 
 +//Mise à jour// : J'ai eu de brefs retours de Lê. Le problème est que j'ai l'​impression qu'il n'a lu que l'​introduction et la conclusion. Par soucis d'​objectivité j'ai inclus les passages où il pense que j'ai tort, mais sans autre précision de sa part je ne sais pas à quelle étape nos raisonnements divergent.
  
 ===== Sur le fond ===== ===== Sur le fond =====
  
-**Le rejet forcené de l'​objectivité et de la méthode scientifique me semblent dangereux**,​ surtout dans un livre de vulgarisation scientifique. Lê dévalorise la réflexion consciente, mettant l'​accent sur les a priori, l'​intuition,​ la phase post-rigoureuse en math, et la réflexion inconsciente sur de longues durées. Oui, en science, tout est bon pour trouver de l'​inspiration : l'​intuition,​ la drogue, la prière... Cela, avec le style personnel, fait de la science une activité créatrice. Mais pour expérimenter,​ rédiger, ou évaluer le travail des autres, il faut en passer par la rigueur. C'est ce qui fait de la science aussi une activité technique.+**Le rejet forcené de l'​objectivité et de la méthode scientifique**((Que Lê m'a confirmé.)) **me semblent dangereux**,​ surtout dans un livre de vulgarisation scientifique. Lê dévalorise la réflexion consciente((Lê m'a répondu que non, et qu'il faut (en effet) beaucoup de réflexion consciente pour appliquer la formule de Bayes.)), mettant l'​accent sur les a priori, l'​intuition((Lê m'a dit que l'​intuition n'​avait pas lieu d'​être avec les lois des probabilités. Mais c'est oublier l'​importance qu'il donne aux préjugés (si l'​intuition n'a aucune valeur, comment sont construits les préjugés dans le bayésianisme subjectiviste ?). De plus, je qualifie ce que font les réseaux de neurones d'​[[fr:​reflexion:​formule-savoir#​l_intelligence_artificielle|intuition artificielle]],​ donc je pense qu'il a juste répondu à la connotation du mot sans lire mes arguments.)), la phase post-rigoureuse en math, et la réflexion inconsciente sur de longues durées. Oui, en science, tout est bon pour trouver de l'​inspiration : l'​intuition,​ la drogue, la prière... Cela, avec le style personnel, fait de la science une activité créatrice. Mais pour expérimenter,​ rédiger, ou évaluer le travail des autres, il faut en passer par la rigueur((Lê m'a dit que « La formule du savoir »  critique justement le flou artistique de la méthode scientifique,​ là où le bayésianisme pur réduit tout à un calcul. Je tiens à préciser que je n'ai jamais dit que le bayésianisme manquait de rigueur. Et en effet, la méthode scientifique a des principes mais n'est pas aussi clairement formalisée que le bayésianisme. Cela n'est pas aberrant, car la science dans son ensemble n'est pas une discipline scientifique,​ mais par contre chaque discipline construit collectivement ses propres critères de validation. Le bayésianisme me semble effectivement fructueux en statistique ou en intelligence artificielle. Mais cela me semble douteux de réduire toute activité scientifique au calcul bayésien, et tout formalisme aux probabilités.)). C'est ce qui fait de la science aussi une activité technique.
  
-De plus, son approche est individualiste et orientée sur la prise de décision, et non collective et orientée vers la production de connaissances,​ ce qui va à l'​encontre de l'​approche scientifique dès [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=Qhjwg6NIydY|son origine]].+De plus, son approche est individualiste et orientée sur la prise de décision((Lê dit que non car il s'agit d'une philosophie du savoir, voir ma critique à la fin de la sous-section.)), et non collective et orientée vers la production de connaissances,​ ce qui va à l'​encontre de l'​approche scientifique dès [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=Qhjwg6NIydY|son origine]].
  
-**La confusion entre croyance et connaissance me semble également dangereuse.** Par exemple, Lê dit qu'un bayésien dans un groupe de croyants a intérêt à croire en Dieu pour prédire le comportement du groupe... sauf que non. Il a besoin de comprendre la croyance des autres, pas de croire lui-même. D'​autant plus que donner un intérêt à croire en Dieu quelques pages avant de rejeter (encore) la << méthode scientifique >> me semble un mauvais message à passer au public (dans de la vulgarisation scientifique). Message qui de plus va à l'​encontre de l'​autonomie intellectuelle nécessaire au travail scientifique.+**La confusion entre croyance et connaissance**((Que Lê m'a confirmée.)) **me semble également dangereuse.** Par exemple, Lê dit qu'un bayésien dans un groupe de croyants a intérêt à croire en Dieu pour prédire le comportement du groupe... sauf que non. Il a besoin de comprendre la croyance des autres, pas de croire lui-même. D'​autant plus que donner un intérêt à croire en Dieu quelques pages avant de rejeter (encore) la << méthode scientifique >> me semble un mauvais message à passer au public (dans de la vulgarisation scientifique). Message qui de plus va à l'​encontre de l'​autonomie intellectuelle nécessaire au travail scientifique.
  
 D'​autant plus que même s'il est amusant de mettre au même niveau sciences, pseudo-sciences et croyances sur le principe et rejeter les pseudo-sciences uniquement sur l'​accord envers les observations,​ je pense que c'est rater la spécificité de l'​activité scientifique. **Ce n'est pas le contenu qui fait qu'une discipline est scientifique,​ mais la méthode utilisée**,​ et je pense que les zététiciens ont raison de critiquer les pseudo-sciences sur les bases de leur méthode. D'​autant plus que même s'il est amusant de mettre au même niveau sciences, pseudo-sciences et croyances sur le principe et rejeter les pseudo-sciences uniquement sur l'​accord envers les observations,​ je pense que c'est rater la spécificité de l'​activité scientifique. **Ce n'est pas le contenu qui fait qu'une discipline est scientifique,​ mais la méthode utilisée**,​ et je pense que les zététiciens ont raison de critiquer les pseudo-sciences sur les bases de leur méthode.
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 J'​ajouterais que les méthodes fréquentistes peuvent être utiles. Je ne comprends pas l'​acharnement de Lê à associer les fréquentistes aux poppériens et aux objectivistes,​ alors que le critère de réfutabilité peut s'​appliquer aux théories présentées sous forme fréquentiste et bayésienne,​ et que parmi les bayésiens il existe des subjectivistes et des objectivistes. J'​ajouterais que les méthodes fréquentistes peuvent être utiles. Je ne comprends pas l'​acharnement de Lê à associer les fréquentistes aux poppériens et aux objectivistes,​ alors que le critère de réfutabilité peut s'​appliquer aux théories présentées sous forme fréquentiste et bayésienne,​ et que parmi les bayésiens il existe des subjectivistes et des objectivistes.
  
-**La formule de Bayes n'est pas LA formule du savoir**, elle est utile dans certains cas, ce qui est déjà bien. Comme Lê, je crois aussi que le savoir est connexe (comme conséquence du matérialisme scientifique),​ mais rien dans le livre ne vient prouver une << philosophie unifiée du savoir >>. Enfin, pour ne pas rallonger inutilement la critique, je passe sur d'​autres points mineurs où ni lui ni moi ne sommes vraiment compétents((Par exemple, il me semble qu'il est douteux de dire que le troc ait existé en tant que tel. Il me paraît également assez critiquable que l'​économie de marché permette effectivement d'​aligner les intérêts individuels avec l'​intérêt collectif, ne serait que parce qu'il faut des hypothèses (parfois non réalistes),​ que les intérêts personnels ne se réduisent pas aux intérêt marchands, et que la notion d'​intérêt collectif mériterait un accord préalable. Enfin, dire que c'est l'​économie de marché qui a permis la division et donc la spécialisation du travail me semble juste faux. La division du travail est apparue avec le surplus agricole et l'​organisation politique des premières cités (par exemple, les scribes en Égypte). En revanche, dire que l'​économie capitaliste a accru la division du travail me paraît plus raisonnable,​ encore qu'il faudrait tout un article pour préciser proprement ce que nous pourrions entendre par là)) mais qu'il n'​était pas utile d'​aborder dans le livre.+**La formule de Bayes n'est pas LA formule du savoir**, elle est utile dans certains cas, ce qui est déjà bien. Comme Lê, je crois aussi que le savoir est connexe (comme conséquence du matérialisme scientifique),​ mais rien dans le livre ne vient prouver une << philosophie unifiée du savoir >>. Enfin, pour ne pas rallonger inutilement la critique, je passe sur d'​autres points mineurs où ni lui ni moi ne sommes vraiment compétents((Par exemple, il me semble qu'il est douteux de dire que le troc ait existé en tant que tel. Il me paraît également assez critiquable que l'​économie de marché permette effectivement d'​aligner les intérêts individuels avec l'​intérêt collectif, ne serait que parce qu'il faut des hypothèses (parfois non réalistes),​ que les intérêts personnels ne se réduisent pas aux intérêt marchands, et que la notion d'​intérêt collectif mériterait un accord préalable. Enfin, dire que c'est l'​économie de marché qui a permis la division et donc la spécialisation du travail me semble juste faux. La division du travail est apparue avec le surplus agricole et l'​organisation politique des premières cités (par exemple, les scribes en Égypte). En revanche, dire que l'​économie capitaliste a accru la division du travail me paraît plus raisonnable,​ encore qu'il faudrait tout un article pour préciser proprement ce que nous pourrions entendre par là.)) mais qu'il n'​était pas utile d'​aborder dans le livre.
  
 ===== Sur la forme ===== ===== Sur la forme =====
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   - Lê prend l'​exemple des illusions d'​optique pour montrer que le cerveau humain est très efficace :-?, et n'​aborde les biais cognitifs que pour souligner que les gens sont irrationnels et qu'il faut utiliser la formule de Bayes pour être rationnel.   - Lê prend l'​exemple des illusions d'​optique pour montrer que le cerveau humain est très efficace :-?, et n'​aborde les biais cognitifs que pour souligner que les gens sont irrationnels et qu'il faut utiliser la formule de Bayes pour être rationnel.
   - Il ne voit la causalité que comme un a priori sans valeur, en dehors de faciliter la compréhension par de simples humains, mais pourtant il fait la distinction habituelle que corrélation n'est pas causalité.   - Il ne voit la causalité que comme un a priori sans valeur, en dehors de faciliter la compréhension par de simples humains, mais pourtant il fait la distinction habituelle que corrélation n'est pas causalité.
-  - Il dénigre la notion d'​explication (qui n'est qu'une théorie assez courte pour être interprétée par un simple humain), mais l'​utilise pour défendre l'​idée d'​enseigner ses trucs préférés à l'​école (comme le bayésianisme).+  - Il dénigre la notion d'​explication (qui n'est qu'une théorie assez courte pour être interprétée par un simple humain), mais l'​utilise pour défendre l'​idée d'​enseigner ses sujets ​préférés à l'​école (comme le bayésianisme).
  
-Ce << deux poids, deux mesures >> n'est en fait pas surprenant... Dans un Axiome Lê dit lui-même qu'il a **des crédences absolues en le bayésianisme**,​ et Monsieur Phi lui fait remarquer que ce n'est pas une attitude très bayésienne. De façon générale, que Lê ait eu besoin pour soutenir son récit du bayésianisme d'​affirmer que la théorie est le fruit de génies incompris et de démonter tout le reste de la communauté scientifique n'est pas seulement **une erreur de storytelling**,​ mais un complexe de Galilée.+Ce << deux poids, deux mesures >> n'est en fait pas surprenant... Dans un Axiome Lê dit lui-même qu'il a **des crédences absolues en le bayésianisme**,​ et Monsieur Phi lui fait remarquer que ce n'est pas une attitude très bayésienne. De façon générale, que Lê ait eu besoin pour soutenir son récit du bayésianisme d'​affirmer que la théorie est le fruit de génies incompris et de démonter tout le reste de la communauté scientifique n'est pas seulement **une erreur de storytelling**,​ mais un complexe de Galilée. Qui n'est pas nécessaire,​ car le bayésianisme a de nombreuses qualités.
  
 Il me faut aussi dire qu'à la lecture de << La formule du savoir >>, l'​enthousiasme de Lê a pour moi été davantage un frein qu'un moteur, et a réduit ma confiance en ses propos au lieu de me motiver à continuer. Entendons-nous bien, j'ai bien conscience qu'un vulgarisateur ne fait pas que transmettre des résumés de connaissances scientifiques,​ mais doit aussi donner envie. Notre travail est à la fois technique (synthétiser un contenu fidèle et accessible) et affectif (susciter la curiosité et l'​enthousiasme envers la chaîne, le contenu scientifique et la science elle-même). Mais((Et c'est un problème que j'ai encore plus avec Bruce Benamran de la chaîne [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCcziTK2NKeWtWQ6kB5tmQ8Q|e-penser]],​ qui a la fâcheuse manie de traiter de génies les gens du passé s'ils avaient des intuitions (sans forcément de raisons) conformes à notre compréhension actuelle de l'​univers,​ et de crétins ceux qui avaient des propos différents même s'ils avaient à l'​époque de bonnes raisons de le penser. Je me joins notamment à Monsieur Phi pour qu'on arrête le << Aristote-bashing >>​.)),​ en tordant trop ces idées pour qu'​elles deviennent attrayantes on finit par attirer l'​attention sur... des idées qui sont devenues non-scientifiques. En résumé, et je rappelle que j'ai beaucoup de respect pour le travail colossal de Lê, mais je tiens à ce qu'il soit dit que **vulgariser un contenu scientifique de façon non-scientifique n'est plus faire de la vulgarisation scientifique.** Je ne dis pas que c'est ce que fait Lê (probablement pas), mais je me (vous ?) pose la question. Et à la réflexion, je me demande si vue la façon qu'a Lê de présenter les choses le public peut vraiment distinguer ce qui relève du consensus scientifique ou de l'​opinion personnelle. Il me faut aussi dire qu'à la lecture de << La formule du savoir >>, l'​enthousiasme de Lê a pour moi été davantage un frein qu'un moteur, et a réduit ma confiance en ses propos au lieu de me motiver à continuer. Entendons-nous bien, j'ai bien conscience qu'un vulgarisateur ne fait pas que transmettre des résumés de connaissances scientifiques,​ mais doit aussi donner envie. Notre travail est à la fois technique (synthétiser un contenu fidèle et accessible) et affectif (susciter la curiosité et l'​enthousiasme envers la chaîne, le contenu scientifique et la science elle-même). Mais((Et c'est un problème que j'ai encore plus avec Bruce Benamran de la chaîne [[https://​www.youtube.com/​channel/​UCcziTK2NKeWtWQ6kB5tmQ8Q|e-penser]],​ qui a la fâcheuse manie de traiter de génies les gens du passé s'ils avaient des intuitions (sans forcément de raisons) conformes à notre compréhension actuelle de l'​univers,​ et de crétins ceux qui avaient des propos différents même s'ils avaient à l'​époque de bonnes raisons de le penser. Je me joins notamment à Monsieur Phi pour qu'on arrête le << Aristote-bashing >>​.)),​ en tordant trop ces idées pour qu'​elles deviennent attrayantes on finit par attirer l'​attention sur... des idées qui sont devenues non-scientifiques. En résumé, et je rappelle que j'ai beaucoup de respect pour le travail colossal de Lê, mais je tiens à ce qu'il soit dit que **vulgariser un contenu scientifique de façon non-scientifique n'est plus faire de la vulgarisation scientifique.** Je ne dis pas que c'est ce que fait Lê (probablement pas), mais je me (vous ?) pose la question. Et à la réflexion, je me demande si vue la façon qu'a Lê de présenter les choses le public peut vraiment distinguer ce qui relève du consensus scientifique ou de l'​opinion personnelle.
  
-En particulier,​ vu l'​extrême croyance et l'​enthousiasme biaisé de Lê, je pense qu'on peut dire que le livre est empreint d'​**une ferveur religieuse qui m'​inquiète**,​ mais pas autant que l'​absence de réaction (je suis le seul à me poser ce genre de questions ? :-?). A ce stade, j'​aimerais vraiment me tromper, mais je voudrais surtout qu'on en parle. Pour finir, je dirais qu'​ironiquement Lê a le biais de traiter par défaut de << hooligan >>​((Une version qu'on trouve plus couramment dans le discours public est d'​accuser son adversaire de faire de l'//​idéologie//​. Je trouve que le terme est utilisé toujours négativement sans vraiment être défini, même par les vulgarisateurs,​ aussi je voudrais m'y attarder un peu. Une idéologie n'est qu'un système d'​idées,​ avec des contenus descriptifs (ce qui est) et des contenus prescriptifs (ce qu'il faudrait). Ce n'est pas un gros mot. Oui, il ne faut pas que nos valeurs nous empêchent de recueillir et d'​analyser les informations,​ c'est à dire que le prescriptif obscurcisse le descriptif. Mais cela étant dit, nous avons tous une idéologie, même ceux qui affirment ne pas en avoir et n'​être que pragmatiques. Ceux-là ne font que profiter du fait que l'​idéologie dominante est à ce point omniprésente qu'​elle en devient invisible et naturelle. Quelqu'​un de << non-politisé >> en réalité reprendra souvent à son compte des idées de l'​idéologie dominante sans les avoir préalablement remises en question. Et j'​insiste encore une fois sur le fait que le contenu descriptif d'une idéologie peut se révéler incorrect au vue de l'​état de l'art en science, mais en revanche le contenu prescriptif est juste un but collectif recherché par les gens qui y adhèrent, que ce soient les royalistes, les libéraux, les socialistes,​ les fascistes, les anarchistes,​ etc.)) ceux qui ne partagent pas son point de vue, mais est lui-même un hooligan du bayésianisme.+En particulier,​ vu l'​extrême croyance et l'​enthousiasme biaisé de Lê((Que Lê m'a confirmé, mais il précise bien que c'est une faiblesse dont il faut se méfier.)), je pense qu'on peut dire que le livre est empreint d'​**une ferveur religieuse qui m'​inquiète**,​ mais pas autant que l'​absence de réaction (je suis le seul parmi les vulgarisateurs ​à me poser ce genre de questions ? :-?). A ce stade, j'​aimerais vraiment me tromper, mais je voudrais surtout qu'on en parle. Pour finir, je dirais ​(j'​espère à tort) qu'​ironiquement Lê a le biais de traiter par défaut de << hooligan >>​((Une version qu'on trouve plus couramment dans le discours public est d'​accuser son adversaire de faire de l'//​idéologie//​. Je trouve que le terme est utilisé toujours négativement sans vraiment être défini, même par les vulgarisateurs,​ aussi je voudrais m'y attarder un peu. Une idéologie n'est qu'un système d'​idées,​ avec des contenus descriptifs (ce qui est) et des contenus prescriptifs (ce qu'il faudrait). Ce n'est pas un gros mot. Oui, il ne faut pas que nos valeurs nous empêchent de recueillir et d'​analyser les informations,​ c'est à dire que le prescriptif obscurcisse le descriptif. Mais cela étant dit, nous avons tous une idéologie, même ceux qui affirment ne pas en avoir et n'​être que pragmatiques. Ceux-là ne font que profiter du fait que l'​idéologie dominante est à ce point omniprésente qu'​elle en devient invisible et naturelle. Quelqu'​un de << non-politisé >> en réalité reprendra souvent à son compte des idées de l'​idéologie dominante sans les avoir préalablement remises en question. Et j'​insiste encore une fois sur le fait que le contenu descriptif d'une idéologie peut se révéler incorrect au vue de l'​état de l'art en science, mais en revanche le contenu prescriptif est juste un but collectif recherché par les gens qui y adhèrent, que ce soient les royalistes, les libéraux, les socialistes,​ les fascistes, les anarchistes,​ etc.)) ceux qui ne partagent pas son point de vue, mais est lui-même un hooligan du bayésianisme.
  
 ===== Quelques questions ===== ===== Quelques questions =====
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 Par contre Lê et moi sommes d'​accord sur le fait qu'une entité ne pouvant être mesurées (directement ou indirectement) n'est pas réelle (voir [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​le_principe_de_parcimonie|le matérialisme]]). D'​ailleurs,​ les supposés entités extérieures produisant ces mesures (les quatre éléments, l'​éther luminifère,​ l'​espace statique, etc.) sont progressivement tombées dans les oubliettes de l'​histoire des sciences. En ce sens-là, je ne suis pas réaliste à strictement parler, mais plutôt un [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​R%C3%A9alisme_structurel|structuraliste]]. C'est à dire que ce qui est révélé par le progrès scientifique ne sont pas les entités mais les relations entre entités supposés. Par exemple, je ne crois pas en l'​existence de l'​espace-temps,​ mais je crois que les objets se comportent selon les équations((Et plus précisément,​ je crois que la seule chose qui existe, c'est l'​information (voir [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=Wc7rNWRU4Bc|ma vidéo sur tau]]). J'​utilise pour cela [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​le_principe_de_parcimonie|l'​identité des indiscernables]] (de Leibniz), à savoir que deux objets ne pouvant être distingués par une expérience (donc ayant les mêmes propriétés) doivent être considérés comme un seul objet. L'​équation d'un objet détermine ses interactions possibles, donc définit un seul objet. Pour moi, c'est l'​équation qui existe, concept analogue au << logos >> grec. Selon moi, une théorie scientifique est une simulation du monde qui tourne dans nos cerveaux. Et selon l'​identité des indiscernables,​ le monde ne pourrait être distingué d'une simulation parfaite, donc en ce sens seule l'​information existe.)) décrivant leur interaction avec l'​espace-temps. Historiquement,​ les entités vont et viennent, mais les relations sont raffinées. Ainsi les équations de Newton sont un cas particulier des équations d'​Einstein en supposant que la lumière a une vitesse infinie (voir [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=msVuCEs8Ydo|The Speed of Light is NOT About Light]] de PBS Space-Time). Par contre Lê et moi sommes d'​accord sur le fait qu'une entité ne pouvant être mesurées (directement ou indirectement) n'est pas réelle (voir [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​le_principe_de_parcimonie|le matérialisme]]). D'​ailleurs,​ les supposés entités extérieures produisant ces mesures (les quatre éléments, l'​éther luminifère,​ l'​espace statique, etc.) sont progressivement tombées dans les oubliettes de l'​histoire des sciences. En ce sens-là, je ne suis pas réaliste à strictement parler, mais plutôt un [[https://​fr.wikipedia.org/​wiki/​R%C3%A9alisme_structurel|structuraliste]]. C'est à dire que ce qui est révélé par le progrès scientifique ne sont pas les entités mais les relations entre entités supposés. Par exemple, je ne crois pas en l'​existence de l'​espace-temps,​ mais je crois que les objets se comportent selon les équations((Et plus précisément,​ je crois que la seule chose qui existe, c'est l'​information (voir [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=Wc7rNWRU4Bc|ma vidéo sur tau]]). J'​utilise pour cela [[fr:​reflexion:​formule-savoir#​le_principe_de_parcimonie|l'​identité des indiscernables]] (de Leibniz), à savoir que deux objets ne pouvant être distingués par une expérience (donc ayant les mêmes propriétés) doivent être considérés comme un seul objet. L'​équation d'un objet détermine ses interactions possibles, donc définit un seul objet. Pour moi, c'est l'​équation qui existe, concept analogue au << logos >> grec. Selon moi, une théorie scientifique est une simulation du monde qui tourne dans nos cerveaux. Et selon l'​identité des indiscernables,​ le monde ne pourrait être distingué d'une simulation parfaite, donc en ce sens seule l'​information existe.)) décrivant leur interaction avec l'​espace-temps. Historiquement,​ les entités vont et viennent, mais les relations sont raffinées. Ainsi les équations de Newton sont un cas particulier des équations d'​Einstein en supposant que la lumière a une vitesse infinie (voir [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=msVuCEs8Ydo|The Speed of Light is NOT About Light]] de PBS Space-Time).
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 +//Mise à jour// : Mr Phi explique très bien le réalisme structural dans [[https://​www.youtube.com/​watch?​v=5dS1D_X5xRg|cette vidéo]], qui correspond avec ma position :-)
  
 ===== L'​incertitude épistémique ===== ===== L'​incertitude épistémique =====